POSITION DE L’AFTCC SUR L’EXPERIMENTATION DU REMBOURSEMENT DES PSYCHOTHERAPIES
AVRIL 2018
L’AFTCC participe depuis juillet 2017 à l’expérimentation du remboursement des psychothérapies dans le cadre des dépressions légères à modérées. Si l’AFTCC se positionne clairement en faveur du remboursement des psychothérapies dans une volonté d’amélioration de la qualité des soins du patient, elle défend également la valorisation de l’acte de psychothérapie lui-même et le psychothérapeute qui la pratique.
Cependant la forme actuelle de l’expérimentation semble aller à l’encontre du patient et du psychothérapeute. L’AFTCC ne cautionne ni la validité scientifique de celle-ci, ni les conditions d’accès à la psychothérapie, ni les conditions financières. L’AFTCC souhaite participer à cette démarche en aidant à discuter de ses limites et proposer des pistes d’amélioration afin de défendre l’intérêt des patients et des psychothérapeutes.
A ce titre, un certain nombre de points concrets de cette expérimentation nécessitent une réflexion en vue d’un changement quant à la possibilité d’améliorer la qualité de soins des patients mais également quant à la valorisation de la psychothérapie. Les points problématiques sont :
1. IL FAUT PROPOSER IMMEDIATEMENT DES PSYCHOTHERAPIES VALIDEES SCIENTIFIQUEMENT
a. Commencer par une thérapie structurée validée. L’obligation de passer par une thérapie de soutien avant de pouvoir bénéficier d’une thérapie structurée efficace va entrainer une perte de temps, de chance et de motivation chez les patients. Il nous parait absurde de ne pas proposer les psychothérapies efficaces en première intention pour les troubles visés dans l’expérimentation. Sur quelles bases scientifiques, on limite au patient l’accès direct aux thérapies efficaces au risque de chroniciser un trouble avec un soutien flou en première intention ?
b. Faciliter l’accès aux soins pour les patients. L’obligation de passage par le médecin généraliste pour le remboursement de la psychothérapie va limiter l’accès aux soins. Le psychothérapeute, le psychologue et le médecin psychiatre travaillant à l’hôpital ou en libéral sont des professionnels formés en psychopathologie. De ce fait, ils sont en mesure d’évaluer l’indication de la mise en place d’une psychothérapie. Le psychologue et le psychiatre doivent pouvoir poser eux-mêmes l’indication d’une thérapie remboursée.
2. LE REMBOURSEMENT : LA QUALITÉ A UN PRIX
a. Mauvais calcul de la grille tarifaire. Le tarif de remboursement proposé est très inférieur au coût actuel des consultations de psychothérapie qui est déjà soumis à une forte concurrence. La tarification proposée par la CPAM dévalorise l’acte de psychothérapie et n’est pas compensée par la possibilité de complément d’honoraires. Elle a été calculée à partir des salaires des psychologues hospitaliers. Mais elle ne tient pas compte de nombreuses charges inhérentes au travail en libéral, ni des spécificités du travail en libéral.
b. Valorisation de la médiocrité. Peu d’universités enseignent une psychothérapie structurée dans les masters de psychologie lors de la formation universitaire pour le titre de psychologue. Elle est couteuse (entre 3000 et 5000 EUROS par an/prix en formation continue). Une fois acquise elle se complète par des séances de supervision et d’autres formations complémentaires et elle continue tout au long de la carrière. La tarification choisie et le fait de passer par une thérapie de soutien dissuade l’investissement dans la formation continue d’une thérapie structurée. Elle valorise la médiocrité.
C. Principe du tiers payant. Le principe du tiers payant introduit un organisme tiers financeur dans la relation psychothérapeute – patient, influençant négativement le cadre thérapeutique. Si la rémunération du psychothérapeute vient directement de la sécurité sociale, cela donne à l’organisme financeur un moyen de contrôle et d’influence direct sur les soins réalisés.
La validité scientifique de l’expérience est critiquable sur un certain nombre de points, ce qui conduira à avoir une vraie difficulté d’analyse à posteriori avec de nombreux biais d’interprétation possible :
3. L’EVALUATION CLINIQUE, PSYCHIATRIQUE ET PSYCHOPATHOLOGIQUE DU PATIENT ?
L’évaluation du patient doit être sérieuse, spécifique et exhaustive. Comment est-il possible d’évaluer un patient simplement avec des indicateurs superficiels comme les questionnaires de dépistage ? Nous demandons une évaluation sérieuse, spécifique et exhaustive, sur le plan cognitif et neurocognitif, avec des outils validés. Il s’agit aussi de tirer vers le haut les pratiques d’évaluation pour une meilleure prise en charge.
4. L’EVALUATION DU DISPOSITIF
a. Evaluation de la formation acquise en psychothérapie. Comment évaluer la formation des psychologues ? Comment les psychothérapeutes ont défini leur domaine d’intervention ? L’AFTCC est la seule association en France qui garantit que les psychothérapeutes reconnus par elle sont des psychothérapeutes formés aux TCC.
b. Comment évaluer la thérapie de soutien ? Il y a une vraie difficulté de définition de cette thérapie : sur quels modèles théoriques se base-t-elle, quels outils thérapeutiques validés utilise-t-elle ? Comment évaluer la thérapie de soutien si elle n’est pas comparée à aucune autre forme de thérapie dans les mêmes conditions ?
c. Empathie, bienveillance. L’empathie, une bonne alliance et la bienveillance sont des éléments sur lesquels se construit un bon rapport thérapeutique. Ils font partie intégrante des TCC. Pourquoi les séparer des TCC ?
d. Les TCC en première intention. Sur quels critères se base la décision de passer de la thérapie de soutien à une thérapie structurée ? L’inefficacité de la première ?
e. Réduction des médicaments ? Sur quels critères l’évaluation se base-t-elle ? La réduction de la prise de médicaments ? Si c’est le cas, comment évaluer si la diminution est associée à l’efficacité thérapeutique ou à une diminution de prescription de la part du médecin qui propose à la place des médicaments une thérapie de soutien ?
f. Critères du psychiatre pour choisir la thérapie structurée. Sur quels critères le psychiatre oriente un patient vers une thérapie structurée ? Comment fait-il pour profiter des informations du suivi de soutien, du psychologue, du médecin généraliste ? Le dispositif prévoit-il des réunions de synthèse ?
L’ensemble de ces points posent donc problème.
Si l’AFTCC continue à participer au processus d’élaboration autours de cette expérimentation c’est avant tout parce que nous cautionnons l’idée d’un remboursement des psychothérapies validées scientifiquement. Cependant, nous ne cautionnons ni les tarifs proposés, ni les conditions d’adressage des patients. De plus, nous avons de sérieux doutes sur la qualité de l’évaluation proposée.
Pour toute information complémentaire : presse@aftcc.org
24/04/2018